Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/323

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Aussitôt leur imagination italienne conclut de l’éclat singulier de ces couleurs qu’elles avaient été appliquées depuis peu, et comme ils étaient bien sûrs que de mémoire d’homme personne n’avait travaillé dans leur champ, ils crurent fermement que quelque magicien était venu construire chez eux ce palais souterrain. Ils y avaient trouvé huit ou dix vases d’une belle couleur orange, ornés de peintures représentant en noir des hommes et des chevaux. Ces paysans n’ignoraient pas tout à fait le prix des vases antiques ; ils portèrent ceux-ci à Rome, et comme l’exagération n’est pas ce qui manque au caractère italien, ils demandèrent quatorze cents francs de leurs vases au premier marchand d’antiquités chez lequel ils entrèrent, et leur étonnement fut grand de se voir prendre au mot ; mais ils n’eurent pas la prudence de se taire. À peine de retour au pays, ils se vantèrent de leur bonne fortune, et M. le prince de Canino, propriétaire du champ, leur intenta un procès en restitution.

Je ne sais si le prince gagna ce procès, mais il se mit à faire des fouilles et trouva des vases qu’il vendit 700,000 francs. Les principales découvertes eurent lieu sur les bords de la Fiora, petit fleuve en miniature qui sépare l’État Romain de la Toscane, et qui, après avoir coulé dans un lit de rochers calcaires, va se jeter à la mer sous Montalto. On trouva surtout beaucoup de vases et de bronzes dans une colline factice nommée la Cucumella par les gens du pays, et dans l’espace situé entre la Cucumella et la Fiora. En 1835, on fouilla dans