CHAPITRE XVIII
n remarque au théâtre une chose
analogue envers les acteurs chéris
du public : les spectateurs ne sont
plus sensibles à ce qu’ils peuvent avoir
de beauté ou de laideur réelle. Le Kain,
malgré sa laideur remarquable, faisait des
passions à foison ; Garrick aussi, par plusieurs
raisons ; mais d’abord parce qu’on
ne voyait plus la beauté réelle de leurs
traits ou de leurs manières, mais bien celle
que depuis longtemps l’imagination était
habituée à leur prêter, en reconnaissance
et en souvenir de tous les plaisirs qu’ils
lui avaient donnés ; et par exemple, la
figure seule d’un acteur comique fait rire
dès qu’il entre en scène.
Une jeune fille qu’on menait au Français pour la première fois pouvait bien sentir quelque éloignement pour Le Kain durant la première scène ; mais bientôt il la faisait pleurer ou frémir ; et comment