Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/188

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flatteurs auprès des autres femmes. C’est ainsi que les grandes ombres des tableaux du Corrège, loin d’être comme chez les autres peintres, des passages peu agréables, mais nécessaires à faire valoir les clairs, et à donner du relief aux figures, ont par elles-mêmes des grâces charmantes et qui jettent dans une douce rêverie[1].

« Oui, la moitié et la plus belle moitié de la vie est cachée à l’homme qui n’a pas aimé avec passion. »

Salviati avait besoin de toute la force de sa dialectique pour tenir tête au sage Schiassetti, qui lui disait toujours : Voulez-vous être heureux, contentez-vous d’une vie exempte de peines, et chaque jour d’une petite quantité de bonheur. Défendez-vous de la loterie des grandes passions. — Donnez-moi donc votre curiosité, répondait Salviati.

Je crois qu’il y avait bien des jours où il aurait voulu pouvoir suivre les avis de notre sage colonel ; il luttait un peu, il croyait réussir ; mais ce parti était absolument au-dessus de ses forces ; et cependant quelle force n’avait pas cette âme !

Un chapeau de satin blanc, ressemblant

  1. Puisque j’ai nommé le Corrège, je dirai qu’on trouve dans une tête d’ange ébauchée, à la tribune de la galerie de Florence, le regard de l’amour heureux ; et à Parme, dans la Madone couronnée par Jésus, les yeux baissés de l’amour.