Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’était rien moins que la plus belle du pays. Après cinquante ans, il n’y a plus de cour, et les femmes les plus accréditées dans la bourgeoisie régnante, ou dans l’aristocratie boudante, ne parviendraient pas à faire donner un débit de tabac dans le moindre bourg.

Il faut bien l’avouer, les femmes ne sont plus à la mode dans nos salons si brillants, les jeunes gens de vingt ans affectent de ne point leur adresser la parole ; ils aiment bien mieux entourer le parleur grossier qui, avec son accent de province, traite de la question des capacités, et tâcher d’y glisser leur mot. Les jeunes gens riches qui se piquent de paraître frivoles, afin d’avoir l’air de continuer la bonne compagnie d’autrefois, aiment bien mieux parler chevaux et jouer gros jeu dans des cercles où des femmes ne sont point admises. Le sang-froid mortel qui semble présider aux relations des jeunes gens avec les femmes de vingt-cinq ans, que l’ennui du mariage rend à la société, fera peut-être accueillir, par quelques esprits sages, cette description scrupuleusement exacte des phases successives de la maladie que l’on appelle amour.

L’effroyable changement qui nous a précipités dans l’ennui actuel et qui rend inintelligible la société de 1778, telle que