Page:Stendhal - Journal, t3, 1932, éd. Debraye et Royer.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1809 — 5 mai.
27
allemagne

effet avec ce qu’il y avait de mieux dans nos malles, lorsque la voiture arriva avec les chevaux d’un chirurgien qui connaissait un peu Cuny.

À trois heures, nous partîmes de Wels pour Ebersberg*, sur la Traun. Chemin superbe dans une plaine bordée de jolis coteaux, mais d’ailleurs assez plate, jusqu’à un poteau ; à côté du poteau, un homme mort. Nous prenons à droite, la route se complique, les voitures se serrent, et enfin il s’établit une file. Nous parvenons enfin à un pont de bois extrêmement long sur la Traun semée de basfonds.

Le corps du maréchal Masséna s’est battu ferme pour passer ce pont, et, dit-on, mal à propos, l’empereur tournant ce pont.

En arrivant sur le pont, nous trouvons des cadavres d’hommes et de chevaux, il y en a une trentaine encore sur le pont ; on a été obligé d’en jeter une grande quantité dans la rivière qui est démesurément large ; au milieu, à quatre cents pas au-dessous du pont, était un cheval droit et immobile ; effet singulier. Toute la ville d’Ebersberg achevait de brûler, la rue où nous passâmes était garnie de cadavres, la plupart français, et presque tous brûlés. Il y en avait de tellement brûlés et noirs qu’à peine reconnaissait-on la forme humaine du squelette. En plusieurs endroits les cadavres étaient entassés ; j’examinais leur figure. Sur le pont, un brave Allemand, mort, les yeux ouverts ; courage, fidélité