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Page:Stendhal - Journal, t3, 1932, éd. Debraye et Royer.djvu/76

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journal de stendhal

ma vie que cela n’arrive, et toujours dans la rue Thérèse.

Je ne fis qu’une observation, c’est que je parle à Mlle Emilie, que je regarde presque habituellement Mlle Blanche, et ni l’un ni l’autre à Mlle Jules. Tout cela est en raison inverse de l’intérêt que m’inspirent les personnages ; c’est sans doute one effect of bashfulness*, effet d’habitude anciennement contractée, car je n’en éprouve point là.

La mère et les deux cadettes sont, à mes yeux, aussi pleines d’usage que vides d’esprit. Elles doivent avoir beaucoup de tact, mais non pas un tact d’âme, mais un tact d’éducation, d’expérience, savant pour les choses que leur âme les a portées à remarquer, et cette âme est entièrement française ; d’où il suit que la bassesse, par exemple, leur est invisible, de même, je crois, toutes les délicatesses d’âme.

Mlle Jules est sans doute extrêmement gâtée, infectée (qu’on me passe le terme, je n’en vois pas d’autre) par une société morale aussi vicieuse et aussi habituelle. Sa mère ne l’a pas quittée une demi-heure depuis sa naissance. Comme Crozet, Bellisle, Faure, disent qu’elle a de l’esprit, je veux bien suspendre mon jugement jusqu’à ce qu’il se soit montré à moi ; jusqu’ici, il paraît que je l’ai intimidée. Il paraît réellement que nous avons produit sur moi*.