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Page:Stendhal - Journal, t3, 1932, éd. Debraye et Royer.djvu/83

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1810 — 30 mars.
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paris

style vrai et naturel qui, porté dans la société, y produit beaucoup de désordres. Il blesse les vanités, les convenances, etc. Une plaisanterie amusante a plus de prix si l’on voit qu’elle est dite dans l’intention de vous plaire que si elle est faite naturellement. (Ce paragraphe est pour Crozct et pour moi.)

Le tatillonnage, ennemi secret du comique, l’est par conséquent de Molière. Le commis de la rue Saint-Denis siffle George Dandin parce qu’il croit qu’on le prend pour une bête de lui offrir des plaisanteries si faciles à comprendre. Il aime mieux le Séducteur amoureux*, etc. Il appelle cela délicat. Il lui faut un sentiment embrouillé dans quatre ou cinq vers. Le commis, à l’aspect de quelque bonne charge de Molière, prend l’air haut, froid, fâché, dédaigneux et légèrement malheureux d’un homme qui croit qu’on lui manque.

En allant chez Brunet*, au contraire, il dit à la fille de son bourgeois qu’il y conduit : « Nous n’allons entendre que des bêtises. » Sa vanité, mise en sûreté par ces mots mille fois répétés et par la croyance qu’il va se distraire (de ses occupations sérieuses), l’abandonne alors franchement au comique, qui se trouve être d’ailleurs parfaitement à sa portée.

Toute discussion importante aux yeux des discutants tend à faire contracter une habitude funeste au tatillonnage[1].

  1. Envoyé cela à Pauline le 6 avril 1810 *