Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/305

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de l’abbé Blanès. L’abbé avait coutume de l’y déposer, en montant à la cage de planches qui formait son observatoire, afin que la clarté ne l’empêchât pas de lire sur son planisphère. Cette carte du ciel était tendue sur un grand vase de terre cuite qui avait appartenu jadis à un oranger du château. Dans l’ouverture, au fond du vase, brûlait la plus exiguë des lampes, dont un petit tuyau en fer blanc conduisait la fumée hors du vase, et l’ombre du tuyau marquait le nord sur la carte. Tous ces souvenirs de choses si simples inondèrent d’émotions l’âme de Fabrice et la remplirent de bonheur.

Presque sans y songer, il fit avec l’aide de ses deux mains le petit sifflement bas et bref qui autrefois était le signal de son admission. Aussitôt il entendit tirer à plusieurs reprises la corde qui, du haut de l’observatoire, ouvrait le loquet de la porte du clocher. Il se précipita dans l’escalier, ému jusqu’au transport ; il trouva l’abbé sur son fauteuil de bois à sa place accoutumée ; son œil était fixé sur la petite lunette d’un quart de cercle mural. De la main gauche, l’abbé lui fit signe de ne pas l’interrompre dans son observation ; un instant après il écrivit un chiffre sur une carte à jouer, puis, se retournant sur son fauteuil, il ouvrit les bras à notre héros