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STENDHAL

dans le salon politique de Mme Aubernon et dans le salon littéraire de Mme Ancelot. Mais sa meilleure récréation, ce sont les dimanches de Delécluze, le critique d’art des Débats, qui reçoit de deux à cinq le Tout-Paris de la presse, Dubois, Stapfer, Rémusat, P.-L. Courier, J.-J. Ampère, Sainte-Beuve, etc. Quand il est accable par cette vie de serre chaude et qu’il veut se donner de l’air, il passe le détroit (il le fit à trois reprises) pour aller entendre l’acteur Kean, admirer les beaux arbres de la campagne anglaise et détester sur place le cant britannique. Ou bien il retourne à sa chère Italie, à Milan, d’où la police autrichienne l’expulse le Ier janvier 1828, le jour même où il y arrive pour la cinquième fois.

Les voyages, les mondanités, le dandysme grevaient lourdement son budget. Les Bourbons l’avaient mis en demisolde. Sa pension viagère n’était que de 1. 600 francs. Il ne pouvait guère compter vivre de sa plume. Depuis son retour en France, il avait successivement donné son essai de l’Amour, Racine et Shakespeare, une Vie de Rossini, une nouvelle édition, très augmentée, de Rome, Naples et Florence, et Armance, son premier roman. Ces publications lui rapportaient peu, quand elles ne lui coûtaient pas les frais d’impression. Il finit par s’endetter. Ces soucis matériels joints à d’autres tristesses, — la mort de Mathilde, le mal de vieillir, — finirent par lui causer un tel désespoir que, dans la nuit du 6 décembre 1828, après avoir rédigé un dernier testament (il en avait déjà rédigé beaucoup), il prit la résolution de se tuer. Les instances de Colomb et les 1.500 francs que lui rapportèrent ses Promenades dans Rome lui rendirent le goût de la vie. Aussi bien l’Itahe allait-elle inopinément le rappeler.

Il faillit d’abord s’y rendre à titre officieux, après la mort du pape Léon XII, pour favoriser sous main l’élection du cardinal Gregorio, un Bourbon. Chateaubriand était alors ambassadeur à Rome, et Beyle faillit devenir le collaborateur de celui qu’il appelait irrévérencieusement le « Grand Lama ». Finalement on le laissa à Paris. Il n’y languit pas longtemps. Cette mission avortée l’avait sacré diplomate. Il n’eut pas à pâtir du nouveau régime : un mois après la révolution de Juillet, le 25 août 1830, il est nommé consul à Trieste et il s’empresse d’aller occuper son poste, sans plus se soucier du roman qu’il venait de donner à son édi-