analyse loyale ; ceci fait, tout accepter de ce qu’à révélé l’analyse, le mal comme le bien, et non seulement l’accepter, mais « s’y livrer avec délices » ; se donner comme unique règle d’être sincère avec soi-même ; s’exprimer par les mots, par les actes, sans souci des contradictions possibles ou des convenances blessées ; ne voir aucune vraie probité hors de là ; suspecter, condamner comme de plates capitulations toutes les prétendues victoires que nous pouvons obtenir sur notre moi au nom de la raison, d’une autorité, d’une morale : tel est bien le principe essentiel de sa conduite comme de sa pensée, le fond permanent et vivace de ce qu’on a nommé le beylisme.
A ce culte du moi se rattache, se ramène plutôt celui de l’énergie. Qu’entend Beyle par ce mot ? Tout le contraire, il va sans dire, de la volonté qu’on dépense pour composer son personnage, pour prendre rang dans la hiérarchie sociale, pour être civilisé, modéré, juste, comme on s’y efforce, dit-il, à Paris. L’homme énergique ne saurait plier sous aucun niveau la violence de ses passions et de ses instincts ; il a horreur des façons édifiantes, de l’austérité de commande, des prudences de langage, telles qu’on les constate, par exemple, chez les Destutt de Tracy ou les Cabanis. Beyle s’intéresse aux galériens, aux beaux criminels ; il admire Mandrin, Lafargue, Fieschi, ceux qui osent. Vaguement pacifiste, — il a tant vécu hors de France ! — il n’en aime pas moins la guerre, et il applaudit, comme Vigny, à la campagne d’Alger. Qu’est-ce à dire, sinon que pour cet amateur d’âmes énergie est synonyme de caractère, — vocable romantique entre tous, — ou encore de spontanéité et d’indépendance ? L’énergie, c’est proprement la vertu qui donne à la personnalité sa plénitude, qui l’exalte et qui au besoin l’exaspère : Beyle s’amusait, dans les salons sages, à paraître « atroce » (il affectionne ce mot), et il lui était doux chez la baronne Gérard de mettre en fuite, à coups de paradoxes et d’impertinences, les dames Gay, Sophie et Delphine, mère et fille. S’exphque-t-on maintenant l’attitude de Beyle en politique, et pourquoi il a tant aimé — après 1815 — Napoléon ? C’est que, « barriste » avant l’heure, il voyait dans le grand i vaincu le plus admirable des « professeurs d’énergie ». Il lui a donné d’inoubliables disciples, Julien Sorel et Fabrice del Dongo. Il croyait d’ailleurs lui trouver des ancêtres dans