Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/106

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cher ange ! se dit-il ensuite, je ne puis te montrer mon amour qu’en obéissant aveuglément à tes ordres.

— Je vous avouerai, dit-il au fiscal, que je ne prends pas un intérêt bien passionné aux divers caprices de madame la duchesse ; toutefois, comme elle m’avait présenté ce mauvais sujet de Fabrice, qui aurait bien dû rester à Naples, et ne pas venir ici embrouiller nos affaires, je tiens à ce qu’il ne soit pas mis à mort de mon temps, et je veux bien vous donner ma parole que vous serez baron dans les huit jours qui suivront sa sortie de prison.

— En ce cas, monsieur le comte, je ne serai baron que dans douze années révolues, car le prince est furieux, et sa haine contre la duchesse est tellement vive, qu’il cherche à la cacher.

— Son altesse est bien bonne ! qu’a-t-elle besoin de cacher sa haine, puisque son premier ministre ne protège plus la duchesse ? Seulement je ne veux pas qu’on puisse m’accuser de vilenie, ni surtout de jalousie : c’est moi qui ai fait venir la duchesse en ce pays, et si Fabrice meurt en prison, vous ne serez pas baron, mais vous serez peut-être poignardé. Mais laissons cette bagatelle : le fait est que j’ai fait le compte de ma fortune ; à peine si j’ai trouvé vingt mille livres de rente ; sur quoi j’ai le projet d’adresser très-humblement ma démission au souverain. J’ai quelque espoir d’être employé par le roi de Naples : cette grande ville m’offrira