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des distractions dont j’ai besoin en ce moment, et que je ne puis trouver dans un trou tel que Parme ; je ne resterais qu’autant que vous me feriez obtenir la main de la princesse Isota, etc., etc. ; la conversation fut infinie dans ce sens. Comme Rassi se levait, le comte lui dit d’un air fort indifférent :

— Vous savez qu’on a dit que Fabrice me trompait, en ce sens qu’il était un des amants de la duchesse ; je n’accepte point ce bruit, et pour le démentir, je veux que vous fassiez passer cette bourse à Fabrice.

— Mais, monsieur le comte, dit Rassi effrayé, et regardant la bourse, il y a là une somme énorme, et les règlements.

— Pour vous, mon cher, elle peut être énorme, reprit le comte de l’air du plus souverain mépris : un bourgeois tel que vous, envoyant de l’argent à son ami en prison, croit se ruiner en lui donnant dix sequins ; moi, je veux que Fabrice reçoive ces six mille francs, et surtout que le château ne sache rien de cet envoi.

Comme le Rassi effrayé voulait répliquer, le comte ferma la porte sur lui avec impatience. Ces gens-là, se dit-il, ne voient le pouvoir que derrière l’insolence. Cela dit, ce grand ministre se livra à une action tellement ridicule, que nous avons quelque peine à la rapporter ; il courut prendre dans son bureau un portrait en miniature de la duchesse, et le couvrit de baisers passionnés. Par-