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citadelle est sens dessus dessous à cause de vous ; les belles menées de madame la duchesse ont déjà fait renvoyer trois d’entre nous.

L’abat-jour sera-t-il prêt avant midi ? Telle fut la grande question qui fit battre le cœur de Fabrice pendant toute cette longue matinée ; il comptait tous les quarts d’heure qui sonnaient à l’horloge de la citadelle. Enfin, comme les trois quarts après onze heures sonnaient, l’abat-jour n’était pas encore arrivé ; Clélia reparut, donnant des soins à ses oiseaux. La cruelle nécessité avait fait faire de si grands pas à l’audace de Fabrice, et le danger de ne plus la voir lui semblait tellement au-dessus de tout, qu’il osa, en regardant Clélia, faire avec le doigt le geste de scier l’abat-jour ; il est vrai qu’aussitôt après avoir aperçu ce geste si séditieux en prison, elle salua à demi, et se retira.

Hé quoi ! se dit Fabrice étonné, serait-elle assez déraisonnable pour voir une familiarité ridicule dans un geste dicté par la plus impérieuse nécessité ? Je voulais la prier de daigner, toujours en soignant ses oiseaux, regarder quelquefois la fenêtre de la prison, même quand elle la trouvera masquée par un énorme volet de bois ; je voulais lui indiquer que je ferai tout ce qui est humainement possible pour parvenir à la voir. Grand Dieu ! est-ce qu’elle ne viendra pas demain à cause de ce geste indiscret ? Cette crainte, qui troubla le