Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 198 —

dis plutôt que tu t’es vendu à ce fripon de Mosca, et c’est pour cela qu’il t’a donné la croix. Mais parbleu ! tu n’en seras pas quitte pour des coups : je te ferai mettre en jugement, je te révoquerai honteusement.

— Je vous défie de me faire mettre en jugement ! répondit Rassi avec assurance ; il savait que c’était un sûr moyen de calmer le prince : la loi est pour moi, et vous n’avez pas un second Rassi pour savoir l’éluder. Vous ne me révoquerez pas, parce qu’il est des moments où votre caractère est sévère ; vous avez soif de sang alors, mais en même temps vous tenez à conserver l’estime des Italiens raisonnables ; cette estime est un sine qua non pour votre ambition. Enfin, vous me rappellerez au premier acte de sévérité dont votre caractère vous fera un besoin, et, comme à l’ordinaire, je vous procurerai une sentence bien régulière rendue par des juges timides et assez honnêtes gens, et qui satisfera vos passions. Trouvez un autre homme dans vos États aussi utile que moi !

Cela dit, Rassi s’enfuit ; il en avait été quitte pour un coup de règle bien appliqué et cinq ou six coups de pied. En sortant du palais, il partit pour sa terre de Riva ; il avait quelque crainte d’un coup de poignard dans le premier mouvement de colère, mais il ne doutait pas non plus qu’avant quinze jours un courrier ne le rappelât