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dans la capitale. Il employa le temps qu’il passa à la campagne à organiser un moyen de correspondance sûr avec le comte Mosca ; il était amoureux fou du titre de baron, et pensait que le prince faisait trop de cas de cette chose jadis sublime, la noblesse, pour la lui conférer jamais ; tandis que le comte, très fier de sa naissance, n’estimait que la noblesse prouvée par des titres avant l’an 1400.

Le fiscal général ne s’était point trompé dans ses prévisions : il y avait à peine huit jours qu’il était à sa terre, lorsqu’un ami du prince, qui y vint par hasard, lui conseilla de retourner à Parme sans délai ; le prince le reçut en riant, prit ensuite un air fort sérieux, et lui fit jurer sur l’Évangile qu’il garderait le secret sur ce qu’il allait lui confier ; Rassi jura d’un grand sérieux, et le prince, l’œil enflammé de haine, s’écria qu’il ne serait pas le maître chez lui tant que Fabrice del Dongo serait en vie.

— Je ne puis, ajouta-t-il, ni chasser la duchesse, ni souffrir sa présence ; ses regards me bravent et m’empêchent de vivre.

Après avoir laissé le prince s’expliquer bien au long, lui, Rassi, jouant l’extrême embarras, s’écria enfin :

— Votre altesse sera obéie, sans doute, mais la chose est d’une horrible difficulté : il n’y a pas d’apparence de condamner un del Dongo à mort