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pour le meurtre d’un Giletti ; c’est déjà un tour de force étonnant que d’avoir tiré de cela douze années de citadelle. De plus, je soupçonne la duchesse d’avoir découvert trois des paysans qui travaillaient à la fouille de Sanguigna, et qui se trouvaient hors du fossé au moment où ce brigand de Giletti attaqua del Dongo.

— Et où sont ces témoins ? dit le prince irrité.

— Cachés en Piémont, je suppose. Il faudrait une conspiration contre la vie de votre altesse…

— Ce moyen a ses dangers, dit le prince ; cela fait songer à la chose.

— Mais pourtant, dit Rassi avec une feinte innocence, voilà tout mon arsenal officiel.

— Reste le poison…

— Mais qui le donnera ? Sera-ce cet imbécile de Conti ?

— Mais, à ce qu’on dit, ce ne serait pas son coup d’essai…

— Il faudrait le mettre en colère, reprit Rassi ; et d’ailleurs, lorsqu’il expédia le capitaine, il n’avait pas trente ans, et il était amoureux et infiniment moins pusillanime que de nos jours. Sans doute, tout doit céder à la raison d’État ; mais, ainsi pris au dépourvu et à la première vue, je ne vois, pour exécuter les ordres du souverain, qu’un nommé Barbone, commis-greffier de la prison, et que le sieur del Dongo renversa d’un soufflet le jour qu’il y entra.