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Une fois le prince mis à son aise, la conversation fut infinie ; il la termina en accordant à son fiscal général un délai d’un mois ; le Rassi en voulait deux. Le lendemain, il reçut une gratification secrète de mille sequins. Pendant trois jours il réfléchit ; le quatrième il revint à son raisonnement, qui lui semblait évident : le seul comte Mosca aura le cœur de me tenir parole, parce que, en me faisant baron, il ne me donne pas ce qu’il estime ; secundo, en l’avertissant, je me sauve probablement un crime pour lequel je suis à peu près payé d’avance ; tertio, je venge les premiers coups humiliants qu’ait reçus le chevalier Rassi. La nuit suivante, il communiqua au comte Mosca toute sa conversation avec le prince.

Le comte faisait en secret la cour à la duchesse ; il est bien vrai qu’il ne la voyait toujours chez elle qu’une ou deux fois par mois, mais presque toutes les semaines, et quand il savait faire naître les occasions de parler de Fabrice, la duchesse, accompagnée de Chékina, venait, dans la soirée avancée, passer quelques instants dans le jardin du comte. Elle savait tromper même son cocher, qui lui était dévoué et qui la croyait en visite dans une maison voisine.

On peut penser si le comte, ayant reçu la terrible confidence du fiscal, fit aussitôt à la duchesse le signal convenu. Quoique l’on fût au milieu de la nuit, elle le fit prier par la Chékina de