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Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/208

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— Vous vous ferez enlever par des brigands, belle duchesse, lui disait un jour le prince ; il est impossible qu’une forêt où l’on sait que vous vous promenez reste déserte. Le prince jetait un regard sur le comte dont il prétendait émoustiller la jalousie.

— Je n’ai pas de craintes, altesse sérénissime, répondit la duchesse d’un air ingénu, quand je me promène dans mes bois ; je me rassure par cette pensée : Je n’ai fait de mal à personne, qui pourrait me haïr ? Ce propos fut trouvé hardi, il rappelait les injures proférées par les libéraux du pays, gens fort insolents.

Le jour de la promenade dont nous parlons, le propos du prince revint à l’esprit de la duchesse, en remarquant un homme fort mal vêtu qui la suivait de loin à travers le bois. À un détour imprévu que fit la duchesse en continuant sa promenade, cet inconnu se trouva tellement près d’elle qu’elle eut peur. Dans le premier mouvement elle appela son garde-chasse, qu’elle avait laissé à mille pas de là, dans le parterre de fleurs tout près du château. L’inconnu eut le temps de s’approcher d’elle et se jeta à ses pieds. Il était jeune, fort bel homme, mais horriblement mal mis ; ses habits avaient des déchirures d’un pied de long, mais ses yeux respiraient le feu d’une âme ardente.

— Je suis condamné à mort, je suis le médecin Ferrante Palla, je meurs de faim ainsi que mes cinq enfants.