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— Je n’ai point quitté Parme, j’ai entendu dire une horreur que ma bouche ne répétera point ; mais me voici. Songez, madame, à ce que vous refusez ! L’être que vous voyez n’est pas une poupée de cour, c’est un homme ! Il était à genoux en prononçant ces paroles d’un air à leur donner de la valeur. Hier, je me suis dit, ajouta-t-il : Elle a pleuré en ma présence ; donc elle est un peu moins malheureuse !

— Mais, monsieur, songez donc quels dangers vous environnent, on vous arrêtera dans cette ville !

— Le tribun vous dira : Madame, qu’est-ce que la vie quand le devoir parle ? L’homme malheureux, et qui a la douleur de ne plus sentir de passion pour la vertu depuis qu’il est brûlé par l’amour, ajoutera : Madame la duchesse, Fabrice, un homme de cœur, va périr peut-être ; ne repoussez pas un autre homme de cœur qui s’offre à vous ! Voici un corps de fer et une âme qui ne craint au monde que de vous déplaire.

— Si vous me parlez encore de vos sentiments, je vous ferme ma porte à jamais.

La duchesse eut bien l’idée, ce soir-là, d’annoncer à Ferrante qu’elle ferait une petite pension à ses enfants, mais elle eut peur qu’il ne partît de là pour se tuer.

À peine fut-il sorti que, remplie de pressentiments funestes, elle se dit : Moi aussi je puis