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sence de ces étrangères leur fit plaisir ; car, malgré les liens du sang, on peut appeler étrangère une personne qui ne sait rien de nos intérêts les plus chers, et que l’on ne voit qu’une fois par an.

La duchesse se trouvait un soir à Locarno, chez Fabrice, avec la marquise et ses deux filles. L’archiprêtre du pays et le curé étaient venus présenter leurs respects à ces dames ; l’archiprêtre, qui était intéressé dans une maison de commerce, et se tenait fort au courant des nouvelles, s’avisa de dire :

— Le prince de Parme est mort !

La duchesse pâlit extrêmement ; elle eut à peine le courage de dire :

— Donne-t-on des détails ?

— Non, répondit l’archiprêtre ; la nouvelle se borne à dire la mort, qui est certaine.

La duchesse regarda Fabrice. J’ai fait cela pour lui, se dit-elle ; j’aurais fait mille fois pis, et le voilà qui est là devant moi indifférent et songeant à une autre ! Il était au-dessus des forces de la duchesse de supporter cette affreuse pensée ; elle tomba dans un profond évanouissement. Tout le monde s’empressa pour la secourir ; mais, en revenant à elle, elle remarqua que Fabrice se donnait moins de mouvement que l’archiprêtre et le curé ; il rêvait comme à l’ordinaire.

Il pense à retourner à Parme, se dit la duchesse, et peut-être à rompre le mariage de Clélia avec le marquis ; mais je saurai l’empêcher. Puis,