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lendemain, après le dîner, quand les domestiques furent sortis ; n’arrive-t-il pas que notre coadjuteur est tombé amoureux de la petite Marini !…

On peut juger du trouble qui s’éleva dans le cœur de Clélia en entendant un mot aussi extraordinaire. Le marquis lui-même fut ému.

— Mais, Gonzo mon ami, vous battez la campagne comme à l’ordinaire ! et vous devriez parler avec un peu plus de retenue d’un personnage qui a eu l’honneur de faire onze fois la partie de whist de son altesse !

— Eh bien ! monsieur le marquis, répondit le Gonzo avec la grossièreté des gens de cette espèce, je puis vous jurer qu’il voudrait bien aussi faire la partie de la petite Marini. Mais il suffit que ces détails vous déplaisent ; ils n’existent plus pour moi, qui veux avant tout ne pas choquer mon adorable marquis.

Toujours, après le dîner, le marquis se retirait pour la sieste. Il n’eut garde, ce jour-là ; mais le Gonzo se serait plutôt coupé la langue que d’ajouter un mot sur la petite Marini ; et, à chaque instant, il commençait un discours, calculé de façon à ce que le marquis pût espérer qu’il allait revenir aux amours de la petite bourgeoise. Le Gonzo avait supérieurement cet esprit italien qui consiste à différer avec délices de lancer le mot désiré. Le pauvre marquis, mourant de curiosité, fut obligé de faire des avances : il dit à Gonzo que, quand il