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Fabrice avait entendu quelque bruit dans cette fenêtre, et il en reconnaissait la grille avec la main, lorsqu’il sentit une main, passée à travers les barreaux, prendre la sienne et la porter à des lèvres qui lui donnèrent un baiser.

— C’est moi, lui dit une voix chérie, qui suis venue ici pour te dire que je t’aime, et pour te demander si tu veux m’obéir.

On peut juger de la réponse, de la joie, de l’étonnement de Fabrice ; après les premiers transports, Clélia lui dit :

— J’ai fait vœu à la Madone, comme tu sais, de ne jamais te voir ; c’est pourquoi je te reçois dans cette obscurité profonde. Je veux bien que tu saches que, si jamais tu me forçais à te regarder en plein jour, tout serait fini entre nous. Mais d’abord, je ne veux pas que tu prêches devant Anetta Marini, et ne va pas croire que c’est moi qui ai eu la sottise de faire porter un fauteuil dans la maison de Dieu.

— Mon cher ange, je ne prêcherai plus devant qui que ce soit ; je n’ai prêché que dans l’espoir qu’un jour je te verrais.

— Ne parle pas ainsi, songe qu’il ne m’est pas permis, à moi, de te voir.

Ici, nous demandons la permission de passer sans en dire un seul mot, sur un espace de trois années.

À l’époque où reprend notre récit, il y avait déjà longtemps que le comte Mosca était de retour