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à Parme, comme premier ministre, plus puissant que jamais.

Après ces trois années de bonheur divin, l’âme de Fabrice eut un caprice de tendresse qui vint tout changer. La marquise avait un charmant petit garçon de deux ans, Sandrino, qui faisait la joie de sa mère ; il était toujours avec elle ou sur les genoux du marquis Crescenzi ; Fabrice, au contraire, ne le voyait presque jamais ; il ne voulut pas qu’il s’accoutumât à chérir un autre père. Il conçut le dessein d’enlever l’enfant avant que ses souvenirs fussent bien distincts.

Dans les longues heures de chaque journée où la marquise ne pouvait voir son ami, la présence de Sandrino la consolait ; car nous avons à avouer une chose qui semblera bizarre au nord des Alpes, malgré ses erreurs elle était restée fidèle à son vœu ; elle avait promis à la Madone, l’on se le rappelle peut-être, de ne jamais voir Fabrice ; telles avaient été ses paroles précises : en conséquence elle ne le recevait que de nuit, et jamais il n’y avait de lumières dans l’appartement.

Mais tous les soirs il était reçu par son amie ; et, ce qui est admirable, au milieu d’une cour dévorée par la curiosité et par l’ennui, les précautions de Fabrice avaient été si habilement calculées, que jamais cette amicizia, comme on dit en Lombardie, ne fut même soupçonnée. Cet amour était trop vif pour qu’il n’y eût pas des