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brouilles ; Clélia était fort sujette à la jalousie, mais presque toujours les querelles venaient d’une autre cause. Fabrice avait abusé de quelque cérémonie publique pour se trouver dans le même lieu que la marquise et la regarder ; elle saisissait alors un prétexte pour sortir bien vite, et pour longtemps exilait son ami.

On était étonné à la cour de Parme de ne connaître aucune intrigue à une femme aussi remarquable par sa beauté et l’élévation de son esprit ; elle fit naître des passions qui inspirèrent bien des folies, et souvent Fabrice aussi fut jaloux.

Le bon archevêque Landriani était mort depuis longtemps ; la piété, les mœurs exemplaires, l’éloquence de Fabrice l’avaient fait oublier ; son frère aîné était mort, et tous les biens de la famille lui étaient arrivés. À partir de cette époque il distribua chaque année aux vicaires et aux curés de son diocèse les cent et quelques mille francs que rapportait l’archevêché de Parme.

Il eût été difficile de rêver une vie plus honorée, plus honorable et plus utile que celle que Fabrice s’était faite, lorsque tout fut troublé par ce malheureux caprice de tendresse.

— D’après ce vœu que je respecte et qui fait pourtant le malheur de ma vie, puisque tu ne veux pas me voir de jour, dit-il un jour à Clélia, je suis obligé de vivre constamment seul, n’ayant d’autre distraction que le travail ; et encore le travail me