Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 66 —

impossible. Le pauvre homme ! il n’est point méchant, au contraire ; il n’est que faible. Cette âme vulgaire n’est point à la hauteur des nôtres. Pauvre Fabrice ! que ne peux-tu être ici un instant avec moi, pour tenir conseil sur nos périls !

La prudence méticuleuse du comte gênerait tous mes projets, et d’ailleurs il ne faut point l’entraîner dans ma perte… Car pourquoi la vanité de ce tyran ne me jetterait-elle pas en prison ? J’aurai conspiré… quoi de plus facile à prouver ? Si c’était à sa citadelle qu’il m’envoyât et que je pusse à force d’or parler à Fabrice, ne fût-ce qu’un instant, avec quel courage nous marcherions ensemble à la mort ! Mais laissons ces folies ; son Rassi lui conseillerait de finir avec moi par le poison ; ma présence dans les rues, placée sur une charrette, pourrait émouvoir la sensibilité de ses chers Parmesans… Mais quoi ! toujours le roman ! Hélas ! on doit pardonner ces folies à une pauvre femme dont le sort réel est si triste ! Le vrai de tout ceci, c’est que le prince ne m’enverra point à la mort ; mais rien de plus facile que de me jeter en prison et de m’y retenir ; il fera cacher dans un coin de mon palais toutes sortes de papiers suspects comme on a fait pour ce pauvre L… Alors trois juges pas trop coquins, car il y aura ce qu’ils appellent des pièces probantes, et une douzaine de faux témoins suffisent. Je puis donc être condamnée à mort comme ayant conspiré ; et le