Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chose. Je remarquai que ces dames fort nobles et pensant si bien ne croyaient guère aux miracles, mais les protégeaient de toute leur influence. Je profitais de tout le spectacle, on ne se cachait pas de moi, car je ne manquais pas un discours de M. l’abbé ; bientôt ennuyé des mièvreries qu’il fallait dire aux gens du pays, il me montra de l’amitié ; et, comme il était loin d’avoir la prudence de l’abbé Du Saillard, il me dit une fois :

— Vous avez une belle voix, vous savez bien le latin, votre famille vous laissera deux mille écus tout au plus, soyez des nôtres.

Je réfléchis beaucoup à ce parti qui n’était pas mauvais. Si la mission eût duré un mois encore à Carville, je crois que je me serais enrôlé pour un an dans la troupe de l’abbé.

Je calculais que je ferais des économies pour revenir passer une bonne année à Paris, et, comme j’avais horreur du scandale, en revenant à Paris, recommandé par l’abbé Le Cloud, j’eusse pu arracher une place de sous-préfet, ce qui alors m’eût semblé une haute fortune. Si, par hasard, je trouvais un plaisir vif à improviser en chaire comme M. l’abbé Le Cloud, je suivais ce métier.