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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/87

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amours de Didon, une vieille traduction en vers de l’Énéide de Virgile, vieux bouquin relié en parchemin et daté de l’an 1620. Il suffisait d’un récit quelconque pour l’amuser. Quand elle eut parcouru et cherché à comprendre tous ceux des livres du maître d’école qui n’étaient pas en latin, elle porta les plus vieux et les plus laids chez l’épicier du village, qui lui donna en échange une demi-livre de raisins de Corinthe et l’histoire du Grand Mandrin puis celle de Monsieur Cartouche.

Nous avouerons avec peine que ces histoires ne sont point écrites dans cette tendance hautement morale et vertueuse que notre siècle moral place en toutes choses. On voit bien que l’Académie française et les prix Montyon n’ont point encore passé par cette littérature-là ; aussi n’est-elle pas ennuyeuse. Bientôt Lamiel ne pensa plus qu’à monsieur Mandrin, à monsieur Cartouche et aux autres héros que ces petits livres lui apprenaient à connaître. Leur fin, qui arrivait toujours en lieu élevé et en présence de nombreux spectateurs, lui semblait noble ; le livre ne vantait-il pas leur courage et leur énergie ? Un soir, à souper, Lamiel eut l’imprudence de parler de ces grands hommes à son oncle ; d’horreur, il fit le signe de la croix.

— Apprenez, Lamiel, s’écria-t-il, qu’il