Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/167

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CHAPITRE XXXIII


S’il se fût présenté la veille, madame de Chasteller s’était décidée : elle l’eût prié de ne venir chez elle, à l’avenir, qu’une fois la semaine. Elle était encore sous l’empire de la terreur causée par le mot que, la veille, madame d’Hocquincourt avait été sur le point d’entendre, et elle de prononcer. Sous l’empire de la soirée terrible passée chez madame d’Hocquincourt, à force de se dire qu’il lui serait impossible, à la longue, de cacher à Leuwen ce qu’elle sentait pour lui, madame de Chasteller s’était arrêtée, avec assez de facilité, à la résolution de le voir moins souvent. Mais à peine ce parti pris, elle en sentit toute l’amertume. Jusqu’à l’apparition de Leuwen à Nancy, elle avait été en proie à l’ennui, mais cet ennui eût été maintenant pour elle un état délicieux, comparé au malheur de voir rarement cet être qui était devenu l’objet unique de ses pensées. La veille, elle l’avait attendu avec impatience ; elle désirait avoir eu le courage de parler.