Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/174

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dans le salon et sous les yeux de la terrible mademoiselle Bérard.

Madame de Chasteller l’accompagna, comme pour adoucir par cette politesse ce qu’il pouvait y avoir de blessant dans la prière qu’elle venait de lui adresser. Sur le palier de ce petit escalier, madame de Chasteller dit à Leuwen :

— Adieu, monsieur. À après-demain.

Leuwen se retourna vers madame de Chasteller. Il appuya la main droite sur la rampe d’acajou[1] ; il chancelait évidemment. Madame de Chasteller eut pitié de lui, elle eut l’idée de lui prendre la main à l’anglaise, en signe de bonne amitié. Leuwen, voyant la main de madame de Chasteller s’approcher de la sienne, la prit et la porta lentement à ses lèvres. En faisant ce mouvement, sa figure se trouva tout près de celle de madame de Chasteller ; il quitta sa main et la serra dans ses bras, en collant ses lèvres sur sa joue. Madame de Chasteller n’eut pas la force de s’éloigner et resta immobile et presque abandonnée dans les bras de Leuwen. Il la serrait avec extase[2] et redou-

  1. Acajou pour diminuer le son s’il est trop fort.
  2. Stendhal, après avoir hésité sur le mot extase, prend le parti de le maintenir et écrit en marge : – « Extase, car il s’apercevait qu’elle ne le fuyait point, qu’elle s’abandonnait. 3 octobre. » Puis en interligne, il ajoute : « Vrai, mais trop fort. Mme Sand dit plus, et est à la mode. » N. D. L. E.