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traits du temps de Louis XV. Avec tout cela, la physionomie est celle d’un homme qui est de mauvaise humeur le soir parce qu’il a manqué de gagner douze sous le matin. Je rencontre quelquefois des figures de ce genre dans la rue à Paris ; je gagerais qu’elles arrivent de Lyon.

Le genre simple, qui est l’idéal du Parisien, et que toute sa vie il se donne tant de peine pour attraper, semblerait bas et peu digne au Lyonnais.

Mais, ici comme ailleurs, noblesse oblige. La garde nationale de Lyon[1] s’est fait tuer douze cents hommes dans l’admirable défense de cette ville, en 1793 (à Lyon on dit quinze mille). Il est vrai que ces messieurs étaient dirigés par une foule d’officiers émigrés et par le brave Précy ; les chefs savaient se battre et les soldats avaient de l’enthousiasme. Voilà le beau côté du caractère lyonnais : être susceptible d’un enthousiasme qui peut durer jusqu’à deux mois. Celui de Paris dure six heures, comme on le vit lorsque Napoléon présenta son fils à la garde nationale, dans le grand salon des Tuileries.

La garde nationale de Lyon me semble digne de soutenir la comparaison avec

  1. Elle s’est également fort bien battue, en 1814, contre les Autrichiens. (Note de 1854.)