Page:Stendhal - Pages d’Italie.djvu/267

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répondu fort soigneusement, m’a dit avec familiarité : « Donne-moi quelque chose pour l’amour de la madone. » Le tutoiement vient de l’ancien latin. L’absence de toute vergogne avec laquelle tout paysan demande au voyageur tient : 1o au défaut total de vanité ; 2o à l’égalité devant le prêtre ; 3o à l’égalité devant Dieu. Il y a si peu de vanité dans ce pays-ci depuis le lac de Trasimène, que je commence à la regretter. Les paysans en France, pour exprimer le comble du malheur, disent fort bien : Il fut réduit à tendre la main. Ici, vous passez devant une femme qui travaille assise sur le devant de sa porte : elle tend la main sans se déranger et vous dit : « Donne-moi quelque chose. » — Mais l’absence de vanité, funeste dans les basses classes, est bien agréable et produit des effets bien neufs pour nous, dans la société.

Je te fais grâce des autres pensées du même genre qui m’amusaient pendant que j’allais à la cascade. Je suivais le fond de cette vallée à bords escarpés, mais je ne voyais point arriver la cascade. Dans mon inquiétude, j’ai quitté le chemin et me suis mis à marcher sur le bord même de la rivière limpide qui vient de la cascade. J’ai failli tomber dans l’eau en sautant de rocher en rocher, dans mon obstination de ne point quitter la rivière. Enfin, je suis arrivé