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Canova), où se trouvent ces deux anges si jolis. De là j’ai vu venir la nuit dans ce temple auguste. À la chute du jour sa physionomie change de quart d’heure en quart d’heure. Peu à peu tous les fidèles sont sortis ; j’ai entendu les derniers bruits, et ensuite les pas retentissants des porte-clefs fermant successivement toutes les portes avec un tapage qui faisait tressaillir. Enfin l’un d’eux est venu m’avertir qu’il n’y avait plus que moi dans l’église. J’étais sur le point de céder à la tentation de m’y cacher et d’y passer la nuit ; si j’avais eu un morceau de pain et un manteau, je n’y aurais pas manqué. J’ai donné deux pauls au porte-clefs, ce qui m’assure une immense considération pour l’avenir.

Voilà une journée telle qu’aucun autre pays de la terre ne peut la fournir. J’ai fait, à l’Armellino, dans le Cours, un dîner magnifique qui m’a coûté trois francs (cinquante-six baïoques). M. Mercadante était assis vis-à-vis de moi ; tout le monde parlait avec étonnement d’un courrier du commerce qui, traversant hier la forêt de Viterbe, a tué deux voleurs et pris le troisième. Ce courrier était Français, ce qui m’a fait plaisir. Après quoi, joli concert chez madame L*** ; la musique y était médiocre, mais on la sentait avec