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PRÉFACE

Je me permets d’autant plus volontiers une image si farouche, qu’assurément l’on ne peut rien se figurer de plus innocent que quarante personnages, graves et respectés, lesquels se constituent tout à coup en juges, bien impartiaux, de gens qui prêchent un nouveau culte opposé à celui dont ils se sont faits les prêtres. Certes, c’est en conscience qu’ils maudissent les profanateurs qui viennent troubler ce culte heureux qui, en échange de petites pensées arrangées en jolies phrases, leur vaut tous les avantages que le gouvernement d’un grand peuple peut conférer, les cordons, les pensions, les honneurs, les places de censeurs, etc., etc. La conduite de gens ordinairement si prudents pourrait rappeler, il est vrai, un mot célèbre du plus grand de ces hommes de génie qu’ils prétendent si burlesquement honorer par leurs homélies périodiques, mais génie si libre en ses écarts, si peu respectueux envers le ridicule, que pendant un siècle l’Académie refusa d’admettre non sa personne, mais son portrait. Molière, que tout le monde a nommé, fait adresser ce mot connu à un orfèvre qui ne voit rien de si beau pour égayer et guérir un malade que de grands ouvrages d’orfèvrerie exposés dans sa chambre : « Vous êtes orfèvre, M. Josse. »