Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
PRÉFACE

les Romantiques. Je crois inutile de parler du succès d’un tel morceau en un tel lieu. Lorsque les pères conscrits de la littérature se furent un peu remis du rire inextinguible qu’avaient fait naître en ces grandes âmes les injures lancées à des rivaux absents, ils reprirent avec gravité le cours de leurs opérations officielles. Ils commencèrent par se déclarer compétents à l’unanimité pour juger les Romantiques ; après quoi, trois des membres les plus violents furent chargés de préparer la définition du mot Romantisme. On espère que cet article sera travaillé avec un soin particulier ; car, par un hasard qui n’a rien d’étonnant, ce morceau de douze lignes sera le premier ouvrage de ces trois hommes de lettres.

Cette séance si mémorable, pendant laquelle on a dit quelque chose d’intéressant, allait se terminer, lorsqu’un des quarante se lève et dit : « Toute l’absurdité des pygmées littéraires, barbares fauteurs du sauvage Shakspeare, poëte ridicule dont la muse vagabonde transporte dans tous les temps et dans tous les lieux les idées, les mœurs[1] et le langage des bourgeois de Londres, vient, messieurs, d’être exposée avec une éloquence égale

  1. Page 14 du Manifeste.