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DE QUELQUES OBJECTIONS

en prêchant le romantisme, être classique en effet. Toutes ces précautions, toutes ces demi-faussetés étaient de mise il y a quarante ans, aujourd’hui, depuis la sainte alliance, personne ne peut plus tromper personne ; la méfiance, mise dans tous les cœurs par des objets plus importants, étendra son influence jusqu’aux jeux de la littérature ; il faut jouer cartes sur table, et, si on les cache, la presse est là pour montrer la vérité, et le public pour ne plus accorder que son mépris à qui une fois chercha à le tromper.

J’expose en termes clairs et imprudents ce qui me semble la vérité ; si je me trompe, le public m’aura bientôt oublié ; mais quelles que soient les injures des classiques, ayant été franc, le mépris ne pourra m’atteindre. Tout au plus trouvera-t-on que je mets trop d’importance à tout ceci ; dans une heure, je rirai moi-même de la phrase que je viens d’écrire ; elle trahit l’homme qui vient de relire Luther avec enthousiasme. Mais probablement je n’effacerai pas cette phrase ; elle me semblait vraie au moment où j’écrivais, et l’homme échauffé par le spectacle d’une grande action vaut bien l’homme de salon, ramené à la stricte prudence par la vue des cœurs froids. Luther est peut-être la plus belle pièce depuis Shakspeare[1].

  1. Feuilleton du Journal des Débats du 12 mars 1849.

    M. J. J. rendant compte du roman de M. le marquis de Custine, ayant pour titre Romuald ou la vocation (4 vol.),