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Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/402

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DE QUELQUES OBJECTIONS

mieux que Voltaire et Rousseau, eussent daigné se servir de la même langue. Ils eussent alors réuni tous les avantages.

Une langue est composée de ses tours non moins que de ses mots. Toutes les fois qu’une idée a déjà un tour qui l’exprime clairement, pourquoi en produire un nouveau ? On donne au lecteur le petit chatouillement de la surprise ; c’est le moyen de faire passer des idées communes ou trop usées ; le plaisir de deviner des énigmes et de voir comment pressoir se dit en style noble fait encore lire aujourd’hui deux pages de M. l’abbé Delille. Je vois aussi l’apothicaire du coin qui, pour s’anoblir, fait écrire en lettres d’or sur sa maison : Pharmacie de M. Fleurant.

Le fat de province, en parlant du théâtre de ses succès, est fort embarrassé de savoir s’il doit dire : « Je trouvai madame une telle, que j’avais séduite à la campagne, dans la société, ou dans le monde, ou dans les salons. »

En parlant de sa future, il ne sait s’il doit dire : « C’est une fort jolie fille, ou c’est une jolie demoiselle, ou c’est une jeune personne fort jolie. » Son embarras est grand car il y a de bons couplets de vaudeville qui se moquent de toutes ces locutions.

Peut-être faut-il être romantique dans les idées : le siècle le veut ainsi ; mais soyons classiques dans les expressions et les tours ; ce sont des choses de convention, c’est-à-dire à peu près immuables ou du moins fort lentement changeables.