Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/228

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seulement que son mari ne puisse douter que vous lui plaisez.

Le comte sortit ; Mina fut moins malheureuse. Se venger, c’est agir ; agir, c’est espérer. — Si Alfred meurt, se dit-elle, je mourrai ! — Et elle sourit. Le bonheur qu’elle ressentit en ce moment la sépara pour toujours de la vertu. L’épreuve de cette nuit avait été trop forte pour son caractère ; elle n’était point préparée à se voir calomniée en présence d’Alfred et à le voir ajouter foi à la calomnie. Désormais elle pourra prononcer encore le mot de vertu, mais elle se fera illusion ; la vengeance et l’amour se sont emparés de tout son cœur.

Mina forma dans son esprit tout le projet de sa vengeance ; était-il exécutable ? Ce fut le seul doute qui se présenta à elle. Elle n’avait d’autre moyen d’action que le dévouement d’un sot et beaucoup d’argent.

M. de Larçay parut.

— Que venez-vous faire ici ? dit Mina avec hauteur.

— Je suis fort malheureux ; je viens pleurer avec la meilleure amie que j’aie au monde.

— Quoi ! votre première parole n’est point que vous ne croyezpas à la calomnie dirigée contre moi ! Sortez.