Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/271

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ce qu’on voulut, et l’on me congédia avec les formalités d’usage. En sortant, j’aperçus dans l’antichambre les deux pauvres vieillards dont mon avocat signait les expéditions ; ces malheureux tremblaient de tous leurs membres, et protestaient de leur innocence, assurant que de leur vie ils n’avaient eu le moindre démêlé avec l’Inquisition. Je les tirai d’angoisse en leur apprenant pourquoi on les avait assignés. De retour à la maison, je racontai toute l’affaire à mon oncle qui adressa de vifs reproches à sa femme sur son indiscrétion. Elle se justifia en alléguant les ordres de son confesseur, auxquels elle avait dû se soumettre.

Le soir du même jour, je fis à notre incrédule ma visite accoutumée. Je le trouvai fort agité, et je lui en demandai la raison. « Je n’ai pas sujet de rire, me répondit-il, on m’a dénoncé à l’Inquisition ; que veulent-ils d’un pauvre goutteux ? je les attends dans mon lit. » Quelque temps après un inquisiteur se présenta et procéda à un interrogatoire qui dura quatre heures ; mais toutes les ruses des dominicains échouèrent contre le sang-froid de l’accusé. Un mois s’était écoulé depuis cette scène, quand notre avocat reçut la visite du grand in-