Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/313

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contrée la veille : elle n’y était pas. Trois jours après je fus plus heureux ; je lui parlai longtemps : elle me repoussa avec horreur.

« Elle m’aura vu passer avec ma cassette remplie de bijoux d’or, pensai-je ; elle veut que je lui fasse cadeau d’un de mes colliers, et, parbleu ! c’est ce que je ne ferai pas. » Je m’imposai de ne plus passer dans cette rue ; mais, malgré moi et presque sans me l’avouer, je me mis à ne plus boire de vin, et chaque jour je faisais bourse à part de cette économie. J’eus la folie bien plus grande de ne pas faire commerce avec ce fonds. Dans ce temps-là, monsieur, mes fonds triplaient chaque semaine.

Quand j’eus économisé douze francs, c’était le prix de mes colliers d’or les plus communs, je passai plusieurs fois dans la rue de Stella. Enfin, je la rencontrai ; elle rejeta mes propos galants avec horreur. Mais j’étais le plus joli garçon de Venise. Dans la conversation, je lui dis que depuis trois mois je me privais de vin pour économiser la valeur d’un de mes colliers, et pouvoir le lui offrir. Elle ne répondit pas, mais me consulta sur le malheur qui lui était survenu depuis qu’elle ne m’avait vu.

Ses frères se réunissaient pour rogner les espèces d’or qu’ils pouvaient se pro-