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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/332

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de Lyon, je pris la poste. Dans mon trouble, je m’arrangeai avec un roulier pour qu’il m’amenât ma charrette à Chambéry ; je n’en avais évidemment aucun besoin ; je ne me souviens plus de ce qui me détermina. En arrivant à Chambéry, je sentais toute l’amertume de ma perte. J’allai chez un notaire, et je fis une donation de tout ce que je possédais à Lyon à madame Catherine Bonnard, ma femme ; je pensais à son honneur et à nos voisins.

Quand le notaire fut payé et moi dehors avec mon acte, jamais je ne me sentis la force d’écrire à Catherine. Je rentrai chez le notaire, qui écrivit en mon nom à Catherine ; un de ses clercs vint avec moi à la poste et chargea le paquet devant moi. Dans un cabaret noir je fis encore écrire une lettre à Bonnard, à Valence. On l’avertissait en mon nom de la donation, qui montait à quatorze mille francs au moins. On ajoutait que sa sœur était fort malade à Lyon et l’y attendait. J’affranchis moi-même cette seconde lettre. Jamais depuis je n’ai entendu parler d’eux.

Je trouvai ma charrette au pied du mont Cenis. Je ne puis me rappeler pourquoi je tenais à cette voiture, qui fut la cause immédiate de mes malheurs, comme vous allez le voir.

La vraie cause était, sans doute, quel-