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ROMANS ET NOUVELLES

exposées à toutes les embûches des hommes ? La fortune considérable pour Kœnigsberg dont elles se trouvèrent tout à coup encombrées n'allait-elle pas augmenter les chances défavorables d'une vie isolée et sans protecteurs ?

Ce sentiment fut le seul qui survécut chez Mina au profond désespoir où l'avait jetée la perte de son père. Par sa tristesse, il fut introduit dans son cœur et s'en empara sans que sa douleur en sentît de remords. N'était-ce pas une façon de pleurer encore son père[1] ?

Quelques mois après la mort de M. Wanghen tous les jeunes négociants un peu bien tournés du Nord de l'Allemagne semblèrent s'êtredonné rendez-vous à Kœnigsberg. La plupart étaient recommandés à la maison Wanghen qui était continuée par Wilhelm Wanghen, neveu de Pierre, et par suite avaient été nommés devant Mina ; tous professaient une amitié fort tendre pour cet heureux neveu.

L'empressement un peu trop marqué de cette foule de jeunes gens, loin de flatter la vanité de Mina, la jeta dans des réflexions amères et profondes. Sa délicatesse de femme non moins que sa dou-

  1. Plan : 20 mai. Au moyen des pages suivantes, le caractère et la grande résolution de Mina me semblent assez féminisés. 20 mai 37.