Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
ROMANS ET NOUVELLES

fort piquante qui venait tous les jours passer plusieurs heures avec ces dames.

Mina recevait quelquefois le matin quelques-unes de ses amies intimes. Ces jeunes filles lui apprirent en riant et comme un nouveau triomphe sur cette terrible espèce masculine que la mode du noir pour les jeunes gommeux, en son honneur et comme pour porter ses couleurs, avait pris depuis quelques jours un nom particulier et que les redingotes noires et si serrées de ces messieurs s'appelaient des redingotes de Frédéric-Gasse du nom de la rue dans laquelle on venait les étaler.

Cette circonstance qu'il fallait ignorer fut prise en très mauvaise part par Mina.

Madame Wanghen remarqua que depuis quelque temps Mina, contre l’ordinaire de toutes les dames de Kœnigsberg, ne regardait jamais dans la rue les passants à travers les petites toiles métalliques. Elle lui en fit la guerre.

Le ton de la plus parfaite égalité régnait entre cette fille et cette mère encore si jeune[1]. Cette habitude nous semblerait

  1. On lit en marge de ce passage : « Chronologie — La terre de Diephortz a été achetée pour la confirmation de Mina à 15 ans, il y a trois ans. M. Wanghen est mort à 50 ans. Mme W. n’a que 36 ans. »
    N.D.L.E.