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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/32

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ROMANS ET NOUVELLES

Don Bustos entra chez sa femme.

— La prison de Torre-Vieja, lui dit-elle, combien contient-elle de prisonniers en ce moment ?

— Trente-deux dans les cachots et deux cent soixante, je crois, dans les étages supérieurs.

— Donnez-leur la liberté, dit Inès, et je me sépare de la seule amie que j’aie au monde.

— Ce que vous m’ordonnez est hors de mon pouvoir, répondit don Blas.

Et de toute la soirée il n’ajouta pas un mot. Inès, travaillant près de sa lampe, le voyait rougir et pâlir tour à tour ; elle quitta son ouvrage et se mit à dire son chapelet. Le lendemain, même silence. La nuit d’après, un incendie éclata dans la prison de Torre-Vieja. Deux prisonniers périrent. Mais, malgré toute la surveillance du directeur de la police et de ses gendarmes, tous les autres parvinrent à s’échapper.

Inès ne dit pas un mot à don Blas, ni lui à elle. Le jour suivant, en rentrant chez lui, don Blas ne vit plus Sancha, il se jeta dans les bras d’Inès.

Dix-huit mois avaient passé depuis l’incendie de Torre-Vieja, lorsqu’un voyageur couvert de poussière descendit de cheval devant la plus mauvaise auberge du bourg