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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/67

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LE PHILTRE

d’honneur… — Mais est-elle jolie ! se disait Liéven.

Il ouvrit la porte de sa maison. L’inconnue fut sur le point de tomber au bas de l’escalier, dont elle ne trouvait pas la première marche. Liéven lui parlait fort bas ; elle répondait de même.

— Quelle horreur d’amener des femmes dans ma maison ! s’écria, d’une voix aigre, une cabaretière assez jolie, en ouvrant sa porte et tenant une petite lampe.

Liéven se tourna vivement vers l’inconnue, vit une figure admirable, et souffla la lampe de l’hôtesse.

— Silence, madame Saucède ! ou, demain matin, je vous quitte. Il y a dix francs pour vous si vous voulez ne rien dire à personne. Madame est la femme du colonel, et je vais ressortir.

Liéven était parvenu au troisième étage, à la porte de sa chambre, il tremblait.

— Entrez, madame, dit-il à la femme en chemise. Il y a un briquet phosphorique à côté de la pendule. Allumez la bougie, faites du feu, fermez la porte en dedans. Je vous respecte comme une sœur, et ne reparaîtrai qu’au jour ; j’apporterai une robe.

Jésus Maria ! s’écria la belle Espagnole.