Aller au contenu

Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
68
ROMANS ET NOUVELLES

» — Qui parle d’amant ? s’écria-t-il tout troublé.

» Mayral, qui, placé à côté de moi, me tenait embrassée et me parlait à l’oreille, se baissa fort à propos en voyant ce mouvement imprévu. J’étendis le bras comme si le mot de mon mari me réveillait ; je lui dis plusieurs choses qui firent bien voir à Mayral que c’était mon mari. Enfin don Gutier, croyant avoir rêvé, se rendormit. Le poignard nu de Mayral réfléchissait toujours les rayons de la lune, qui, à ce moment, tombaient d’aplomb sur le lit. Je promis tout ce que Mayral voulut. Il exigeait que je vinsse l’accompagner dans le cabinet voisin.

» — C’est votre mari, soit ; mais je n’en joue pas moins un sot rôle, répétait-il avec colère.

» Enfin, au bout d’une heure, il s’en alla.

» Me croirez-vous, monsieur, quand je vous dirai que toute cette conduite sotte de Mayral m’ouvrit presque les yeux sur son compte, mais ne put diminuer mon amour ?

» Mon mari, n’allant jamais en société, passait sa vie avec moi. Rien n’était plus difficile que le second rendez-vous que j’avais juré à Mayral de lui accorder.

» Il m’écrivait des lettres pleines de reproches ; au spectacle, il affectait de