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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/81

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LE PHILTRE

ne pas me regarder. Enfin, monsieur, mon fatal amour ne connut plus de bornes.

» Venez au moment de la Bourse, un jour que vous y aurez vu mon mari, » lui écrivis-je ; « je vous cacherai. Si le hasard me donne un moment de liberté dans la journée, je vous verrai ; si un hasard favorable fait que mon mari aille encore à la Bourse le lendemain, je vous verrai ; sinon, vous aurez du moins reçu une preuve de mon dévouement et de l’injustice de vos soupçons. Songez à quoi je m’expose. »

» Ceci répondait à la crainte qu’il avait toujours que j’eusse choisi un autre amant, dans la société, avec lequel je me moquais du pauvre sauteur napolitain. Un de ses camarades lui avait fait à ce sujet je ne sais quel conte absurde.

» Huit jours après, mon mari alla à la Bourse ; Mayral, en plein jour, entra chez moi en escaladant le mur du jardin. Voyez à quoi je m’exposais ! Nous n’avions pas été trois minutes ensemble, que mon mari revint. Mayral passa dans mon cabinet de toilette ; mais don Gutier n’était revenu chez lui que pour prendre des papiers essentiels. Par malheur, il avait aussi un sac de portugaises. La paresse le prit de descendre à sa caisse, il entra dans mon cabinet, mit son or dans