Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les comédies de Picard, c’est-à-dire jamais individuels. Nos conteurs ne sont pas peintres ; ils construisent de la philosophie contemporaine (ceci est un mot de mathématiques), et par conséquent n’apprennent rien au philosophe. Leurs histoires sont le contraire du Pecorone ou de la Vie de Benvenuto Cellini. C’est le livre qu’il faut lire avant tout, si l’on veut deviner le caractère italien. Le cardinal Lante est un homme de beaucoup d’esprit, et cependant je remarque que souvent ses anecdotes manquent de chute piquante. L’anecdote, en Italie, se contente souvent de peindre d’une manière forte, mais correcte et non exagérée, une nuance de sentiment.

Si j’avais un secrétaire ce soir, je dicterais un volume de tout ce que Son Éminence m’a dit de caractéristique sur les femmes dont la beauté ou la physionomie m’intéresse[1] ; par exemple, celle dont je n’ai pu apprivoiser l’amant, la marchesina Nella. Un homme en était éperdument amoureux ; c’était un avocat génois qui venait de lui faire gagner un procès considérable, et qui, pendant six mois, l’avait vue tous les jours. La veille du départ de ce pauvre amant qui, après mille retards,

  1. Le cardinal Lante a été le dernier homme de sa robe qui se permit des propos peu graves.