Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/15

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retournait à Gênes, voyant sa passion sans espoir, comme il était dans le salon à pleurer en silence, Nella prend un flambeau et lui dit : « Suivez-moi. » Malheur de cet homme.

Il n’y a peut-être pas une femme d’esprit à Bologne qui n’ait aimé d’une manière originale. Une des plus belles s’est tout à fait empoisonnée, parce que son amant lui préférait une dame russe. Elle a été sauvée, parce que cette nuit-là le feu prit à sa maison. On la trouva déjà privée de sentiment dans sa chambre remplie de vapeur de charbon. Un serin dans sa cage était tout à fait mort ; ce qui, le lendemain, produisit un sonnet en bolognese. Excepté en matière d’argent, l’insouciance de l’avenir est un grand trait du caractère italien ; toute la place est occupée par le présent. Une femme est fidèle à son amant qui voyage pendant dix-huit mois ou deux ans ; mais il faut qu’il écrive. Meurt-il, elle est au désespoir, mais par l’effet de la douleur d’aujourd’hui et non en pensant à celle de demain. De là le manque de suicides par amour. C’est une maxime parmi les amants, que, lorsqu’on va passer quelques mois loin de sa maîtresse, il faut la quitter à demi brouillé. À Bologne, l’amour et le jeu sont les passions à la mode ; la musique et la peinture, les délassements ; la politique, et