Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/16

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sous Napoléon l’ambition, le refuge des amants malheureux. Mais les anecdotes qui prouvent tout cela et qui me font un plaisir extrême, à moi curieux, sembleraient plates et sans sel au nord des Alpes. Elles peignent peut-être avec vérité des âmes singulières ; mais il ne faut pas être singulier. L’on me nierait mes faits tout simplement, et l’on s’écrierait ensuite qu’il y a bien un peu de mauvais goût à raconter de telles choses. La société de Paris déclare de mauvais goût tout ce qui est contre ses intérêts. Or, décrire d’autres manières sans les blâmer, peut faire douter de la perfection des siennes.

La société est bien moins francisée ici qu’à Milan ; elle a bien plus de raciness italienne, comme dirait un Anglais : je trouve plus de feu, de vivacité, plus de profondeur et d’intrigue pour arriver à ses fins, plus d’esprit et de méfiance.

Mais c’est, je crois, pour la vie que je suis amoureux des façons naïves des heureux habitants de Milan. J’ai senti en ce pays-là que le bonheur est contagieux. D’après ce principe, je cherche quel est à Bologne le degré de bonheur des basses classes. Je me suis lié avec un curé de la ville, qui me répond parce qu’il voit le légat me parler ; il me prend sans doute pour quelque agent secret.