Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/18

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passion : car il est homme, mais il est prêtre. La connaissance du cœur humain est donc nécessairement bien plus avancée dans le pays papal qu’à New-York, où je suppose que la plupart des choses se font légalement et honnêtement. Certes, il doit y être beaucoup moins important de connaître la passion dominante du schériff, qui, d’ailleurs, est invariablement : gagner de l’argent par des moyens honnêtes. Cette profonde connaissance de l’homme n’est rien moins qu’agréable, c’est une vieillesse anticipée : de là le dégoût des Italiens pour la comédie de caractère et leur passion pour la musique qui les enlève hors de ce monde et les fait voyager dans le pays des illusions tendres. II est un pays où c’est en mentant huit fois par jour, et pendant trois ans, que l’on se rend digne d’une place de douze mille francs : quel genre d’esprit doit briller en ce pays ? L’art de parler. Aussi tel ministre y est-il admiré parce qu’il peut parler sur tous les sujets, élégamment et sans rien dire, pendant deux heures.

L’abbé Raynal fut le bienfaiteur de la haute Italie ; Joseph II lut son livre par hasard, et, depuis ce prince, les prêtres sont réduits à leur juste degré d’importance dans l’Italie autrichienne. À Venise, ils étaient encore plus savamment comprimés depuis l’immortel Fra Paolo.